Wiki Kaamelott Officiel
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Nuptiæ
Arturus Rex
Lacrimosa

00:04
Scène 1 : Plage bretonne
Arturus, Manilius, Merlin, le Père Blaise et le Maître d'armes viennent d'accoster en Bretagne. Frigorifiés, Arturus et Manilius sont les seuls à rester figés dans le bateau, recroquevillés sur eux-mêmes, alors que les autres sont déjà sur le sable.

Merlin : Non mais sans blague, qu’est-ce que vous foutez ?
Père Blaise : J’en sais rien, je comprends pas ce qui se passe.
Maître d'armes : Regardez-moi la jolie petite paire de fillettes, si c’est pas fragile !
Arturus : C’est une blague, le temps qu’il fait, là ?
Manilius : Parce que sinon, on est pas du tout équipés !
Père Blaise : Ici, quand il fait ce temps-là, on dit que c’est vivifiant !
Arturus : Ouais bah, à Rome, quand il fait ce temps-là…
Manilius le coupant : À Rome, il fait pas ce temps-là, déjà…
Arturus : Déjà, oui, exactement ! Ça a pas dû arriver depuis l’ère glaciaire !
Maître d'armes : Oui, mais si vous restez figés comme deux mémés dans votre barquette, mes petits bisous, vous allez forcément finir par vous les geler !
Manilius à Arturus : Ouais, il a raison… Il faut bouger là…
Arturus : « Faut bouger, là... », bah, bouge, si le cœur t’en dit ! Te gêne pas !
Manilius saute sur la plage. Tous attendent Arturus. Celui-ci les regarde, retire son casque, se lève et saute à son tour hors du bateau.
Un texte en blanc apparaît : « Île de Bretagne, 15 ans avant Kaamelott. »


Kaamelott

01:47
Scène 2 : Même lieu
Aziliz et Tumet sont assises sur le sable et regardent au loin la trirème d’Arturus. Manilius s’approche en portant un signum surmonté de l’aigle romain. L'air grave, il plante le signum dans le sable et contemple la mer.

Manilius d'un ton solennel : Face à la puissance de la nature, les conquêtes de l’homme paraissent bien dérisoires. Non ?
Aziliz : Il est à vous, le bateau, là-bas ?
Manilius : Ouais… ! C’est celui de mon copain !
Arturus arrivant en courant : Non non non ! C’est pas à nous, ça, on l’a... (Il réfléchit.) On l'a volé !
Manilius à Arturus : Ah ouais, mieux, ça ! (Aux jumelles.) Ça vous dirait de faire un tour dessus ?
Tumet : C’est un bateau romain ?
Manilius : Ouais ! Un bateau de guerre !
Arturus : Oui, parce qu’on l’a volé aux Romains !
Manilius : Exactement ! On est des hors-la-loi spécialisés dans le vol de bateaux de guerre romains !
Aziliz : Mais c’est pas des uniformes d’officiers romains, que vous portez ?
Manilius : Si !
Arturus : Si, parce qu’on les a trouvés sur le bateau ! On les a mis…
Tumet : Mais vous êtes pas romains…
Arturus : Non non non ! On n’est pas romains… Je suis breton, moi !
Manilius : Ouais allez, moi aussi.
Aziliz : On les aime pas, les Romains, nous.
Arturus : Mais nous non plus, on peut pas les blairer…
Manilius : C’est pour ça, on leur pique tout le temps des trucs : des fringues, des bateaux…
Tumet : Ils ont tué notre mère sous nos yeux quand on avait sept ans.
Manilius perd son sourire.
Aziliz : Mais notre mère, elle venait de tuer soixante Romains d’un coup en empoisonnant la nourriture d’un camp.
Arturus aux jumelles — Ouais… Il faudrait qu’on aille au camp fortifié qui est juste à côté du mur d’Hadrien.
Tumet : Pour quoi faire ? Un attentat ?
Aziliz : Ils vous laisseront pas approcher…
Manilius : Non mais on va se démerder ! Avec les uniformes, ça va passer…
Arturus : Ouais, ils sont tellement cons de toute façon…
Aziliz : Notre frère, il dit qu’un jour, il dira à notre père qu’il part à la pêche, mais en fait il partira attaquer un bateau comme celui-là avec sa barque.
Manilius : Votre frère, il va attaquer un trirème avec une barque ?
Aziliz : Ouais.
Tumet : Il attend le bon moment et il y va.
Aziliz : Pour le camp, vous longez la côte par là jusqu’au mur, et au mur, vous longez le mur jusqu’au camp.
Manilius s'en va. Arturus jette le signum à terre et s'en va aussi.


03:56
Scène 3 : Camp de Léodagan
Léodagan et Goustan attendent. Guenièvre et Séli sont assises derrière eux, non loin.

Léodagan : Un nouveau Pendragon. Vous croyez que c’est bon pour nous, ça ?
Goustan : Tout dépend…
Léodagan : Oui non mais ça, « tout dépend »… Tout dépend toujours un peu !
Goustan : Tout dépend de si le fils ressemble au père ! C’est le même genre de taré ?
Léodagan : Est-ce que je sais, moi ? Je l’ai jamais vu, le fils !
Goustan : Le père, c’était un gros dingo. C’est tout ce que je peux dire…
Séli : C’est maintenant que vous vous demandez si c’est un taré ?
Guenièvre : Oui, parce que je vous signale que je vais me marier avec !
Séli : Parce que s’il faut éviter à la Bretagne trente ans de merdier, il faut peut-être le buter, votre nouveau Roi, au lieu de lui servir à bouffer…
Guenièvre : Ah mais parce que vous allez le buter ce soir, déjà ?
Léodagan : Voyons ce qu’il vaut, d’abord ! Il sera toujours temps de le buter après !
Goustan : Oh là là… On réfléchit avant d’agir…
Léodagan : Mais quoi, qu’est-ce qu’il y a ?
Goustan : Je vous ai donné le pouvoir, je vais pas vous le reprendre. Mais essayez quand même de pas devenir une tarlouze.


04:52
Scène 4 : Camp de Macrinus
Arturus arrive au camp et passe sous l'abri où l'attendent Manius Macrinus Firmus et Spurius Cordius Frontinius, suivi de Merlin, le Père Blaise et Manilius. Les légionnaires sont debout, en rang, dehors. Arturus et Manilius se toisent un moment.

Arturus levant la main : Ave Général !
Macrinus levant la main aussi : Ave Général !
Les deux hommes se regardent à nouveau sans rien dire. Au bout d’un long moment, Cordius se décide à rompre le silence.
Cordius : Bon. Je pense que vous avez des tas de choses à vous dire…
Nouveau silence.
Cordius : Ou pas, mais de toute façon, c’est le protocole : vous êtes obligés d’avoir un entretien privé... (Il soupire et désigne la tente.) ... À l’intérieur.
Macrinus sans quitter Arturus des yeux : C’est le protocole, ça ?
Cordius : Ah oui ! Et c’est pas moi qui l’ai inventé !
Merlin : Privé, ça veut dire sans nous ?
Cordius : Oui, juste les deux : le nouveau Dux Bellorum et puis l’ancien, là. (Il regarde Macrinus.) Enfin l’ancien, ne le prenez pas mal…
Manilius : Même moi, je peux pas assister ?
Père Blaise : Sans nous, ça veut dire sans vous non plus. Essayez de vous tenir à votre place… Déjà que vous la méritez pas…
Manilius : Ouais, c’est bien qu’on reste un peu dehors… Comme ça je pourrai vous mettre une grosse tarte en plein air !
Arturus sans se retourner — Ça suffit !
Tous se taisent.
Macrinus : Faut se parler… parlons-nous ! (Il sort.)
Arturus le suit. Les deux hommes partis, Cordius pousse un soupir de soulagement.


06:35
Scène 5 : Tente de Macrinus
Arturus et Macrinus sont assis face à face.

Macrinus : Elles sont belles, tes bagues. (Il en désigne une.) Celle-là, c’est quoi ?
Arturus : Un cadeau de l’Empereur. (Il montre une des bagues de Macrinus.)
Macrinus : Ma femme. (Il fait un signe de tête, désignant la seconde bague d'Arturus.) Et celle-là ?
Arturus : Mariage…
Macrinus : Quand j'ai été affecté ici, j’ai cru que c’était une punition. Puis on m’a expliqué que c’était un honneur. Je prends toujours tout de travers. Et toi ?
Arturus : Moi quoi ?
Macrinus : T’as pas l’impression que c’est une punition ?
Arturus : Je saurais pas dire…
Macrinus : Bah c’en est une.
Arturus : Pourtant, j’ai rien fait de mal…
Macrinus : Je me doute. J’ai pas dit que c’était logique.
Arturus : Sinon ? Un petit conseil ? Un mot sur les Bretons ?
Macrinus : J’ai tenu un journal. Presque tous les jours, à partir de la deuxième année, j’écrivais quelques lignes sur une tablette. À la fin, il y en avait presque trois mille. Il fallait une tente exprès pour les stocker. Ça aurait été intéressant que tu les lises. C’est dommage.
 Arturus : Pourquoi, elles sont où ?
Macrinus : Fondues.
Arturus : Fondues ? Il y a eu un incendie ?
Macrinus : Oui. J’ai foutu le feu à la tente. Tu regarderas derrière, il y a une grande flaque de cire figée par terre…
Arturus : Mais... Pourquoi vous avez fait ça ?
Macrinus : Bah c’était trop triste, ce qu’il y avait dedans. Ça donnait une fausse image de moi. Parce que je suis d’un naturel rieur. D’après ma grand-mère, en Macédoine, quand j’avais deux ans, j’étais blond, bouclé, et je souriais à tout le monde, même aux étrangers. (Il se lève.) Toi, par exemple, si tu m’avais connu quand j’avais deux ans, je t’aurais sûrement souri. (Il s'apprête à sortir.) Tu sais, comme j’ai détruit les tablettes, tu tomberas peut-être sur des gens qui voudront savoir comment j’étais… Dis-leur ça : blond, bouclé, toujours le sourire aux lèvres… Blond, bouclé, toujours le sourire aux lèvres… (Il se retourne et respire un bon coup avant de sortir. Il répète pour lui-même :) … Toujours le sourire aux lèvres.


09:31
Scène 6 : Camp de Macrinus
Arturus revient sous l’abri. Merlin, Manilius, le Père Blaise et Cordius sont toujours là. À son entrée, Cordius se lève.

Arturus étonné, à Cordius : Il est parti ?
Cordius : Oui.
Arturus : Il a pas fait de discours aux hommes ?
Cordius : Non. Il est parti.
Père Blaise : Il a même pas voulu prendre ses bagages.
Merlin : Direct au bateau, comme ça !
Arturus à Cordius : Et vous, vous l’avez pas suivi ?
Cordius : Il a pas voulu.
Père Blaise : En même temps, il avait pas l’air d’aller mal…
Merlin : Il souriait…
Silence.
Arturus à Cordius : Et... Moi, vous pensez qu’il faut que je fasse un discours aux hommes, ou pas ?
Cordius gêné : Là les hommes sont sous la tente… Ils ont pas envie de vous voir pour le moment...
Arturus : Ils ont pas envie de me voir ?
Manilius : C’est une mutinerie.
Cordius : Non, non, ils sont juste un peu tristounets, c’est tout… (À Arturus.) Là y'a deux écoles : soit vous les punissez pour qu’ils sachent tout de suite à qui ils ont affaire, soit…
Arturus le coupant : Non, non, merci, merci, ça ira. Bon, venez avec moi, il faut que je vous parle.
Arturus et Cordius sortent.


11:08
Scène 7 : Tente de Macrinus
Arturus entre suivi de Cordius.

Cordius : Allez… Il faut pas vous formaliser… Il vous faudra p'têt un peu de temps pour les apprivoiser !
Arturus s'installant au bureau de Macrinus : Et vous, il va me falloir un peu de temps pour vous apprivoiser, aussi ?
Cordius : Non, moi, je suis plutôt le bon gars… Et puis j’ai une nature à prendre soin d’autrui. Je tiens ça de ma tante.
Arturus : Ah bon ?
Cordius : Oui, une femme exceptionnelle. Avec son petit caractère, attention ! (Il rit.) Je souviens d’une fois…
Arturus le coupant : Oui, alors, vous me raconterez demain. En attendant, il faut que je parte en mission d’espionnage, alors vous allez me trouver des vêtements locaux.
Cordius : Des vêtements locaux ?
Arturus : Voilà. Pour moi et pour le Centurion Appius Manilius, aussi.
Cordius : Mais… Enfin, je veux pas discuter les ordres mais… Vous savez qu’on a des espions, ici.
Arturus : Non, non, mais, je sais bien, comme je viens juste d’arriver… Tant que je les ai pas apprivoisés — comme vous dites — je préfère pas trop leur demander des trucs tout de suite, aux gars, voyez.
Cordius : Remarquez, ça, ce serait tout à fait propre à les apprivoiser : un Dux Bellorum qui fait son espionnage lui-même… (Il lève le pouce.)
Arturus : J’ai su rester simple.
Cordius admiratif : Ouais.
Arturus : Les vêtements.
Cordius : Ah oui ! (Il s'apprête à partir mais revient.) Heu… Quand vous dites « vêtements locaux », c’est locaux d’ici ?
Arturus : Locaux d’ici ?
Cordius : Oui, locaux de Bretagne ?
Arturus : Ben oui.
Cordius : Ah ben oui ! (Il sort, amusé.)


12:34
Scène 8 : Camp de Léodagan
Les Chefs de Clans invités par Léodagan sont arrivés. Ketchatar, Hoël, Calogrenant et Loth discutent dehors avec Léodagan, Goustan, Séli et Guenièvre.

Ketchatar : Attendez, attendez… Qu’est-ce que c’est que cette embrouille, là ?
Hoël : Comment ça « il a pas encore l’Épée » ?
Ketchatar : Ho là là, mais j’avais pas compris ça, moi !
Léodagan : Mais vous comprenez jamais ce qu’il y a à comprendre, de toute façon ! Vous êtes complètement à côté de vos pompes !
Calogrenant : D’après le dernier rapport des espions, l’Épée est toujours plantée dans le rocher. Voilà.
Loth : Donc vous nous invitez dans votre gourbi pour rencontrer le nouveau Roi de Bretagne, sauf qu’il existe pas encore !
Léodagan : C’est pas qu’il existe pas encore ! Il est pas confirmé.
Séli : Donc, à l’heure qu’il est, là, maintenant, c’est toujours un peigne-cul comme un autre.
Léodagan : Oui, vous avez raison, soyez pas trop de mon côté. On aurait l’air un peu « couple à la con » à être tout le temps d’accord…
Séli : C’est vrai ou c’est pas vrai ?
Guenièvre : Peigne-cul, peigne-cul… Un type que je dois épouser dans les jours qui viennent… Ah, c’est encourageant !
Hoël : Qui est-ce que vous allez épouser ?
Ketchatar : Le nouveau Roi ?
Loth : Ah bah d’accord ! Il y en a qui ont déjà placé leurs pions ! Il y a même pas encore de Roi qu’il y a déjà une Reine !
Léodagan : Hé bah je vous expliquerai…
Guenièvre : C’est pour la politique !
Séli : Non ! C’est un mariage d’amour, on vous a dit !
Guenièvre : Ah oui, pardon. Mais sauf que je le connais pas alors... Comment vous expliquez…
Séli la coupant — Non mais l’amour, ça s’explique pas.
Hoël : Et s’il retire pas l’Épée, l’autre kiki ? Le mariage, ça tient toujours ?
Goustan : Bon, alors écoutez-moi bien, les sent-la-pisse… Premièrement, vous êtes peut-être en train d’injurier un Roi désigné par les Dieux — et s’il y a bien un truc dont il faut pas se foutre, c’est les Dieux ! Deuxièmement, si vous rentrez pas vos miches dans la tente, on est pas près de nous servir le repas et moi je crève de faim !
Séli : Non mais le repas, c’est pas là ! Non, j’ai dit que je pouvais vous préparer un en-cas, juste pour vous, pour patienter mais... Je sers pas les repas maintenant !
Goustan : Ah bon ? Il y a un en-cas ? Ah bah ça va. Excusez, les ramasse-merdes… comme si j’avais rien dit…
Les autres se regardent.


14:08
Scène 9 : Forêt
Arturus et Manilius ouvrent la marche, habillés en bretons. Derrière eux, Merlin et le Père Blaise suivent.

Merlin : Je vous préviens, il faut pas vous attendre à des miracles, hein !
Manilius : Ils ont fait une quête ou ils ont pas fait une quête ?
Merlin : Oui, ils ont fait une quête, mais bon…
Arturus : Bon quoi ?
Merlin : Pour certains, ça va pas être la quête… Heu…
Père Blaise : Ça va pas être la quête quoi ?
Merlin s’énervant : Ah, mais vous voyez bien ce que je veux dire, non ?
Arturus : Bah, non, désolé, non, on voit pas ! Ceux qui ont pas réussi à se distinguer par un fait d'armes spectaculaire, on les prend pas et puis c’est tout ! Je vois pas ce qu’il y a de compliqué !
Merlin : Après, tout dépend de ce que vous entendez par « spectaculaire »…
Manilius : Quelque chose que peu de gens peuvent faire. Quelque chose de rare…
Père Blaise : Quelque chose qu’on puisse écrire et qui impressionne les générations futures.
Merlin : Ah ouais non mais là, je préfère être franc, je suis pas certain que les mecs se pointent avec des trucs qui impressionnent les générations futures…
Père Blaise : Les gars du coin, il faut l'admettre, c’est pas franchement ce qu’on pourrait appeler des flèches…
Soudain, Perceval et Karadoc surgissent d’un fourré, dépassent en courant les hommes d’Arturus en leur jetant aux yeux une poudre claire. Arturus et Manilius dégainent leurs armes tandis que les agresseurs se réfugient dans un nouveau bosquet. Aussitôt, ils ressortent en poussant des cris.
Perceval et Karadoc : Aïe ! Ouille !
Merlin : Non, attendez ! Je les connais, eux !
Arturus : Vous les connaissez ?
Merlin : Ben, il me semble…
Manilius : Pourquoi ils gigotent comme ça ?
Perceval : On a sauté dans les orties !
Karadoc : Ça pique !
Père Blaise : Qu’est-ce que c’est, qu’ils vous ont balancé, là ?
Karadoc : Du sable pilé !
Arturus : Du… ? Sable pilé ?
Manilius : Qu’est-ce que c’est que ça ?
Karadoc : On a pris du sable et on l’a pilé…
Perceval : Pour que le grain soit plus fin et que ça rentre mieux dans les yeux !
Karadoc : Sauf qu’on l’a pilé trop fin et on dirait de la fumée, maintenant, quand on le jette…
Perceval : Ouais ! La prochaine fois, on fera mi-fin !
Père Blaise : Ça nous explique pas pourquoi ils nous ont attaqués...
Perceval reconnaissant Merlin : Ah, mais regardez ! C’est le barbu qui est venu parler des quêtes !
Karadoc : Ah ouais !
Père Blaise : Vous êtes allé chez eux ?
Merlin : Bah... Sûrement, s'ils m’ont déjà vu…
Père Blaise : Vous vous souvenez pas ?
Merlin : Ah, mais foutez-moi la paix ! J’ai traversé l’île en long, en large et en travers ! Pareil en Aquitaine et en Armorique ! Vous croyez que je me souviens de tous les trous-du-cul à qui j’ai balancé mon laïus ?
Karadoc : Mais si ! Karadoc ! À Vannes ! J’étais avec un putain de chinetoque !
Perceval : Et moi, c’était au Pays de Galles, à la ferme de mon père, Pellinor ! Un vieux tout cradingue, con comme ses pieds ! Il vous a tenu la jambe pendant une plombe avec ses histoires de céréales !
Merlin vaguement : Bah oui, peut-être… Mais pourquoi vous nous attaquez, du coup ?
Karadoc : Mais on vous avait pas vu, vous !
Perceval : Comme quête, on voulait attaquer des Romains ! (Il désigne Arturus et Manilius.) Alors comme ceux-là, ils ont des épées romaines…
Père Blaise : Oui, bah vous venez juste d’attaquer le futur Roi de Bretagne, chapeau.
Perceval : Ah merde…
Karadoc : Bah du coup, c’est pas plus mal qu’on ait foiré…
Perceval : Ouais, en même temps, ça vous a montré qu’on avait pas froid au ventre…
Arturus : Aux yeux.
Perceval : Comment ?
Arturus : Aux yeux. Pas froid aux yeux.
Karadoc : Froid aux yeux ? Comment c’est possible, ça ?
Perceval : Si, à la limite, avec du vent… Mais bon, si on a froid aux yeux, on les ferme…
Karadoc : Ben ouais… Ça fait comme une sorte de seconde couche.
Perceval : Alors que le ventre, si on a pas son vêtement, on est marron !
Karadoc : Ah, carrément !
Perceval : C’est pour ça, il faut se méfier quand même. (À Arturus) Non ?
Arturus ne répond rien.


16:27
Scène 10 : Abords du Rocher
Arturus, Manilius, le Père Blaise, Merlin, Karadoc et Perceval gravissent une pente près du rocher. Tous serrent leurs bras autour de leurs vêtements pour se protéger du froid.

Arturus : Bon sang mais c'est pas vrai ! Qu’est-ce que c’est que ce patelin merdique ? On se caille, tout d’un coup, là !
Perceval : Ça nous fait tous du bien ! Ici, c’est connu pour être vivifiant !
Karadoc : Il paraît même que tous les Bretons se pointent ici pour la vivifianceté !
Merlin : Oui enfin, ils se pointent surtout pour essayer de retirer l’Épée !
Karadoc : Peut-être, mais aussi pour la vivifianceté.
Manilius : C’est quoi là, le truc blanc, par terre ?
Merlin : Quel truc blanc ? La neige ?
Manilius : C’est de la neige, ça ? Viens, on rentre Arturus ! On retourne à Rome ! On va quand même pas rester dans un pays où il y a de la neige !
Karadoc : Non mais c’est rien, ça ! C’est l’altitude !
Merlin : L’altitude, l’altitude…
Père Blaise : Il faut dire aussi que autour du rocher, il y a comme une espèce de microclimat…
Merlin : Un microclimat, vous dites comme ça, vous ? Moi j’appelle ça une malédiction !
Père Blaise : Ah, bah ça y est… La voilà la fameuse malédiction… Ça c’est votre côté Druide, ça…
Merlin : Pardon, mais le fameux microclimat, c’est votre côté con ! Parce qu'il faut pas être bien malin pour comprendre que ça va faire vingt ans que l’Épée est coincée dans ce rocher, vingt ans qu’on a pas de Roi et que les Dieux ont maudit la région ! Il y a de la neige toute l’année !
Père Blaise : Mais forcément qu’il y a de la neige toute l’année puisqu’il y a un microclimat !
Merlin : Zut !
Arturus : Dites, excusez-moi, le truc là-bas, en haut, c’est pas le rocher, ça ?
Père Blaise : Ah si, si ! Exactement, oui !
Manilius : Mais il y a de la neige partout, là ! Viens, on rentre, Arturus, on rentre à Rome !
Perceval : Ho, il casse l’ambiance, celui-là ! C’est fini ou pas ?
Karadoc : Quand on se promène, on profite et on emmerde pas les autres !
Manilius : Allez, on se casse avant de perdre un orteil ! Je préfère être un grouillot à Rome que Chevalier ici !
Père Blaise : Ah parce que vous êtes déjà Chevalier, vous ? Eh ben, ça va vite !
Arturus : Bon, vous allez m’attendre là.
Père Blaise : Vous attendre là ? Mais pourquoi ?
Arturus : Parce que j'ai pas envie que vous soyez là, à me regarder… Si jamais ça foire, je veux être tout seul.
Merlin : Dites pas ça ! Vous allez vous porter la poisse !
Père Blaise : Si vous êtes pas vaillant, les Dieux risquent de pas vous reconnaître et de bloquer l’Épée !
Arturus : Attendez-moi là, je reviens.


18:11
Scène 11 : Rocher
Arturus monte dans la neige vers le rocher. Il se place sous l’Épée et fait un signe aux autres. Soudain, le visage de la Dame du Lac apparaît dans le ciel, le faisant sursauter.

Dame du Lac : Je viens juste pour regarder.
Arturus : Je me disais aussi… Je trouvais bizarre que soyez pas encore venue…
Merlin au loin : De quoi ?
Arturus à Merlin, fort : Rien ! (À la Dame du Lac.) Et si jamais je foire ?
Dame du Lac : Il y a pas de raison !
Arturus : Et si jamais je foire sans raison ?
Dame du Lac : Allez-y, on verra bien !
Arturus hésitant, puis ordonnant — Non mais partez. Partez, vous me foutez le trac à me regarder comme ça !
Dame du Lac : Oh bah non, quand même…
Arturus : Non mais, vous foutez le camp, c’est tout.
La Dame du Lac soupire et disparaît. Arturus hésite… Puis, d’un coup il retire l’Épée qui flamboie dans sa main. Il se retourne en direction des autres, la levant au-dessus de sa tête.


19:42
Scène 12 : Forêt
Ils sont sur le chemin du retour. Perceval et Karadoc ferment la marche.

Arturus : Dans une taverne ? Vous êtes sûr ?
Manilius : Comme endroit secret, vous avez rien trouvé de plus…
Merlin : De plus quoi ?
Manilius : Je sais pas… De plus secret ?
Merlin : En tout cas, c’est une taverne où il y a pas de Romains !
Père Blaise : Recruter des Chevaliers au bistrot… C’est quand même pas top prestige !
Merlin : Oui, eh ben, c'est ça ou dehors…
Manilius : Ah non, dehors ça caille !
Arturus : Non, mais c’est bon ! À la taverne, ça va très bien !
Perceval : Non mais elle est bien, cette taverne ! On commence à pas mal la connaître, nous…
Karadoc : Vu qu’on maîtrise le terrain, on vous filera un coup de main !
Perceval : Ouais ! Pour placer les mecs, faire une file d’attente, dehors on peut…
Arturus : Non mais ça va, merci…
Merlin : Remarquez, ce serait pas bête ! Vu le paquet de monde qui risque de se pointer !
Karadoc : Ouais, on vous arrange les tables et tout !
Perceval : Ceux qui emmerdent le monde parce qu’ils ont pas été choisis ou quoi que ce soit, on les dégage !
Karadoc : Ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout !
Arturus se penchant pour que seul Manilius l'entende : C’est qui déjà, ces deux glands ? Qu’est-ce qu’ils foutent, là, à nous suivre ?
Manilius : Tu les vireras pendant le recrutement, tu t’en fous…
Arturus : Ouais. Je vais pas me les farcir longtemps, ceux-là…


20:40
Scène 13 : Tente de Léodagan
La nuit est tombée, les Chefs de Clans sont attablés et attendent.

Hoël : Donc, si je comprends bien, nous, on bouffe pas.
Léodagan : Mais… Pourtant si, si, normalement, il y a un repas de prévu.
Hoël : Bah il est où ?
Calogrenant : Vous êtes sûr ?
Léodagan : Je suis sûr… Ça fait deux jours que ça parle de bouffe, il doit bien y en avoir quelque part !
Séli entre, suivie par Goustan, qui mange un sandwich, et par Guenièvre.
Léodagan hésitant : Ah ! Dites, on se posait la question, pour la bouffe…
Séli : Quelle question ?
Léodagan : Ben, il y en a ?
Séli : Oui, il y en a.
Guenièvre : Des pleines malles.
Ketchatar : Ça sent même pas le feu… Il y a rien qui cuit ?
Goustan : Non, il y a rien qui cuit, mon con !
Séli : Non, c’est que du séché !
Guenièvre récitant : Que du séché parce que ça se conserve et que ça se remballe.
Léodagan : C'est-à-dire, ça se remballe ?
Séli : C’est un repas pour le Roi de Bretagne, oui ou non ? Seulement si jamais votre Roi de Bretagne, il arrive pas à retirer l’Épée, il est donc pas Roi de Bretagne. Donc, quand il sera ici avec l’Épée dans les mains, je sortirai la bouffe. Sinon, je remballe tout et je ramène tout en Carmélide.
Loth : Ah bah d’accord ! Le Roi de Bretagne, il a le droit de bouffer et nous, on mérite pas !
Goustan : Eh bah oui, les petits trous-de-cul ! Si le Roi est pas là, vous rentrez bouffer chez vous !
Séli : Il y en a marre de goinfrer des soi-disant Chefs de Clan sous prétexte qu’ils sont importants ! S’ils sont importants, ils ont les moyens de se nourrir tout seuls !
Léodagan : Non mais ho ! Et moi ! Je bouffe pas, non plus moi ?
Guenièvre : Si, vous, on peut vous servir mais…
Séli : Si ça vous dérange pas de manger devant eux qui vous regardent...
Goustan la bouche pleine : Moi, en tout cas, j’en ai rien à branler !


22:08
Scène 14 : Taverne
Père Blaise et Merlin font passer un entretien à Galessin.

Galessin : Je comprends pas… Il est pas là, le Roi Arthur ?
Père Blaise : Si, il est là le Roi Arthur, sauf que c’est pas lui qui va vous auditionner.
Galessin : C’est qui, alors ?
Le Père Blaise désigne Merlin et lui.
Galessin amusé : C’est vous ?
Père Blaise : Oui, pourquoi ? On vous revient pas ?
Galessin : Ben, ça dépend… Vous êtes qui ?
Merlin : Qu’est-ce que ça peut foutre, qui on est, puisque c’est le Roi Arthur qui nous a désignés pour vous auditionner à sa place ?
Galessin : Et pourquoi il les fait pas passer lui-même, ses auditions ? Il est fatigué ?
Père Blaise : Il les fait. Il les fait à une autre table. Parce que vu le monde qu’il y a, on est obligés de s’y mettre à plusieurs, voyez vous.
Galessin : Ah ouais, d'accord. Donc en fait, c’est au pif ! Suivant comme ça tombe, on se retrouve soit à la table du Roi, soit à celle des sous-fifres !
Merlin : Et qui vous dit qu’il est pas plus sévère que nous, le Roi ? Vous avez peut-être plus de chances d’être choisi comme Chevalier à notre table qu’à la sienne !
Galessin : Même après vous avoir traités de sous-fifres ?
Père Blaise : Ah bah c’est sûr que « sous-fifres », ça joue pas forcément en votre faveur, mais…
Merlin : On va s’efforcer de rester objectifs. Une petite question : si vous deviez nous donner l’adjectif qui vous définit le mieux…
Galessin : Déterminé.
(Le Père Blaise prend en note.)
Galessin dans sa barbe : Non, fouille-merde...
Les deux autres se penchent pour mieux entendre.
Galessin à voix haute : Pardon ! Fouille-merde.
Tavernier arrivant avec une assiette et une bouteille : Ces messieurs ! Alors, j’avais un saucisson aux herbes et une carafe de cache-nez… J’ai bon ?
Merlin : Allez-y !
Tavernier : Allez hop-là ! C’est parti !
Galessin scrutant la salle : C’est lequel, le Roi Arthur ?
Père Blaise discrètement : Chut ! Il est ici incognito !
À une table voisine, Arturus discute avec Lancelot.
Arturus souriant : Pardon mais c'est... C’est dingue ! Vous avez sauvé tout ce monde-là en si peu de temps ?
Lancelot : Qu’est-ce que vous appelez « en si peu de temps » ? Le premier, j’avais sept ans, quand même…
Arturus : Ah, mais attendez, mais d’accord ! Vous avez pas commencé là, quand je l’ai demandé !
Lancelot : Non, pourquoi ? Il fallait vous attendre ?
Arturus : Non, non, non, pas du tout ! De toute façon, même en ayant commencé à sept ans, ça reste tout de même très impressionnant !
Lancelot : C’est mon seul but : sauver des gens.
Arturus : Très bien. Parfait. Et vous seriez prêt à vous mettre au service d’une fédération ?
Lancelot : Oui. Le seul truc, c’est que je suis un Chevalier solitaire. Ça, j’y tiens beaucoup.
Arturus : Chevalier solitaire ? D’accord… Et... Très bien, mais est-ce que ça va bien coller avec le projet, du coup ? Parce que je vous cacherais pas qu’il y a quand même une petite idée de… de communauté, voyez ?
Lancelot : Non, c’est bon, du moment que tout le monde est bien au courant que je suis un Chevalier solitaire, ça me dérange pas.
Arturus : D’accord.
Lancelot : Vous voyez ce que je veux dire ou... ?
Arturus : Non, je vous avouerais que je bite rien, mais ça fait rien. Vous êtes un homme courageux, manifestement… Après, vous avez peut-être une conception un peu personnelle de l’indépendance, mais ça, ça vous concerne ! Sinon, simplement, pour finir, si je vous demandais de choisir le qualificatif qui vous définit le mieux… ?
Lancelot : Loyal.
Arthur semble touché, il sourit d'un air satisfait.
Lancelot : Ça vous va ?
Arturus souriant : Ah bah oui, ça, ça va toujours !
Tavernier arrivant avec un plateau : Les deux laits de chèvre, c’est pour ces messieurs ?
Arthur et Lancelot trinquent. Plus loin, Manilius et Venec rejoignent la table du Maître d'armes.
Manilius : Mais je comprends pas… Vous avez accompli quel fait d'armes, au fait ?
Venec : Aucun.
Manilius : Aucun ?
Venec : Les faits d'armes, c’est quand il faut sauver des mecs, et tout ?
Manilius : Ouais, par exemple, ouais…
Venec : Bon bah, non.
Maître d'armes : Mais vous avez quand même l'intention de devenir Chevalier ?
Venec : Non plus. C’est ce que je vous explique depuis trois quarts d’heure : j’en ai rien à foutre de devenir Chevalier ! Moi, ce qui m’intéresse, s’il y a un nouveau Roi qui chapeaute tout le système, c’est d’être en affaires avec.
Maître d'armes : Oui non mais… vous avez quand même écouté notre topo sur la fédération ?
Venec : Oui, je vous ai pas coupés en plein milieu parce que bon… Mais effectivement, ça me concerne pas, votre bordel. Que vous vous réunissiez pour faire des fédérations ou jouer aux cartes, ce qui compte, c’est que ce soit moi qui vous fournisse en putes. Je vous demande pas grand-chose !
Manilius après avoir échangé un regard avec le Maître d'armes : Et si vous deviez choisir l’adjectif qui vous définit le mieux… ?
Venec levant son verre : Idéaliste.
Tavernier arrivant avec un plateau : J’ai une miche de pain et un assortiment de fromages secs… Est-ce qu’ils ont besoin que je recharge en boisson ?
Maître d'armes : Absolument…
Manilius : Ouais...
De leur côté, Perceval et Karadoc questionnent Bohort.
Perceval : C’est ça que vous avez fait ? Foutre la trouille à des bandits ?
Bohort : Je les ai définitivement chassés de la région !
Karadoc : Ouais, mais sinon… Quand le Roi a demandé un fait d'armes, vous avez fait quoi ?
Bohort : Mais… Je viens de vous le dire !
Perceval : Non mais attendez. On se comprend pas bien là. Le Roi, ce qu’il cherche, c’est des gars qui ont pas froid aux pieds !
Bohort : Froid aux yeux ?
Perceval : Non mais froid nulle part !
Karadoc : Aux pieds, aux yeux, de toute façon, au jour d’aujourd’hui on peut pas se permettre de trimballer des mecs frileux !
Perceval : Parce que des fois, il va falloir bosser dehors, même en plein hiver. Ce sera pas le moment de venir réclamer des couvertures, je vous préviens !
Karadoc : Si vous craignez le froid, c’est à vous de vous équiper mon petit pote ! On n’est pas marchands de fringues, nous !
Bohort : Il est vrai que je crains le froid, mais je suis toujours suffisamment habillé.
Karadoc : Ah bah voilà ! Ça, c'est bien ! Ça, ça veut dire « je suis capable de me prendre en main ! »
Perceval : Faut nous parler de ça plutôt que de vos bandits à la con, là…
Karadoc : Ça intéresse que vous, vos trucs personnels…
Perceval : Dernière chose… (À Karadoc.) C’est quoi, déjà ?
Karadoc : Si vous avez… Non, si vous deviez…
Perceval : Ah, oui, ça y est ! Si vous deviez trouver le sédatif qui vous correspond le mieux, vous diriez… ?
Bohort : Le tilleul ?
Karadoc : Parfait.
Perceval amusé : Tout à l’heure, j’écoutais la table de derrière : il y en a un qui a répondu « courageux ».
Karadoc : Courageux ? Mais c’est complètement débile !
Perceval : Il est con, lui ou pas ?
Tavernier arrivant avec un plateau : La dégustation charcuterie, c’est là ? Il va falloir me faire de la place parce que rien que les saucissons, il y en a vingt-huit sortes !
À sa table, Arturus est aux prises avec Hervé de Rinel.
Arturus la bouche pleine : Non mais faut que vous trouviez un… C’est rien, hein, mais faut trouver un adjectif… L’adjectif qui vous définit le mieux.
Hervé après réflexion : La Bretagne.
Arturus : La Bretagne ? C’est pas un adjectif, la Bretagne.
Hervé : Ah bon ? C’est pas un adjectif ? Ben... « Régional », alors.
Arturus : Régional ?
Hervé : C’est pas un adjectif non plus ?
Arturus : Heu… Si, ouais. Mais qu’est-ce que vous voulez dire par là, parce que... ? Vous vous considérez comme quelqu’un de… régional ? D'accord mais ça veut dire quoi ? C’est-à-dire que vous vous sentez proche de vos terres… ou… J’ai du mal à saisir le truc, là…
Hervé : De toute façon, « régional », on l’est tous plus ou moins !
Arturus : Ouais…
Hervé : Après, je sais pas si c’est ce qui me définit le mieux.
Arturus : Voilà, c’est un peu ça que je veux dire. Parce que là, régional… Vous êtes sûr que vous voulez répondre ça ?
Hervé : Non, l’adjectif qui me définit vraiment le mieux c’est « le plancton ».


28:58
Scène 15 : Même lieu
La nuit est tombée. Arturus et Manilius sont seuls et somnolent à une table.

Manilius : T’as trouvé quelque chose de propre, toi ?
Arturus : Honnêtement, sans être pessimiste…
Manilius : Ouais, pareil.
Arturus : En même temps, bon... Je suis tellement crevé que j'pense que j’ai du mal à me faire une idée objective du truc.
Manilius : Pareil.
Arturus : Le dernier, là, sérieux, j’ai failli lui aligner une beigne. Mais tu vois, pas... Les nerfs, quoi.
Manilius : Moi, je suis allé couper du bois.
Arturus : Couper du bois ? Quand ça ?
Manilius : Tout à l’heure. Je suis sorti pour pas craquer devant tout le monde, je suis tombé sur des bûches dans l’arrière-cour, j’ai fait du petit bois. Ça m’a fait du bien.
Arturus : En tout cas, je peux te dire que je suis content que ce soit fini parce que là, je peux plus.
Guethenoc, Roparzh et Belt entrent dans une cacophonie de voix.
Guethenoc : Alors attention, attention hein ! Il paraît que les représentants du monde paysan doivent venir s’entretenir avec le nouveau Roi. Hein, j'sais pas où il est, je sais pas... Méfiez-vous, méfiez-vous, hein ! Non mais, parce que les représentants du monde paysan, ils sont là, et ils en ont plein le cul, mais quelque chose de bien prononcé !
Roparzh : Il a intérêt de se montrer coopératif, le nouveau Roi, parce qu’il pourrait bien se faire botter l’oignon !
Belt : Hein, hé ! Regardez-moi ce petit fromage ! Des années et des années de travail  ! Et pour en arriver où ? À un système qui s’essoufffe !
Il lance son fromage qui tombe près d’Arturus.


30:22
Scène 16 : Tente de Léodagan
Les Chefs de Clan mangent des biscuits secs. Séli, Guenièvre et Goustan entrent en trombe.

Séli énervée : Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?
Goustan : Là ! Regardez-les, ces gros fumiers ! Ils sont pas en train de mâcher ?
Guenièvre affolée : Ils ont volé la nourriture dans les caisses !
Léodagan : Mais pas du tout !
Hoël se levant : Ce sont des biscuits personnels que j’ai la délicatesse de partager avec mes camarades !
Calogrenant : C’est sa marraine qui les fait…
Ketchatar : Et on a été bien contents de les trouver !
Goustan : Fumiers !
Léodagan : Pardon, mais ils sont quand même un peu secs…
Hoël : Ils sont pas secs, ils sont vieux !
Loth : Ils sentent la pisse, aussi. Notez que ça n’enlève rien au geste ! C’est une remarque, rien de plus.
Séli : Si c’est ça, moi, je m’en fous. (Elle sort.)
Guenièvre : Tant que vous volez pas… (Elle suit sa mère.)
Séli revenant, l'air satisfait : Pas de nouvelle du Roi de Bretagne ! Non, je dis ça parce que j’espère que vos biscuits vous profitent parce que c’est sûrement tout ce vous aurez. (Elle ressort, sa fille sur les talons.)
Léodagan : Pas de Roi de Bretagne ?
Calogrenant : Pas pour le moment.
Ketchatar riant : Il est peut-être en train de tirer sur l’Épée comme un taré !
Hoël riant avec lui : Ou il trouve pas le chemin d’ici…
Loth : Non, ils sentent vraiment la pisse. (À Hoël, qui ne rit plus.) Loin de moi l’idée de manquer de respect à votre marraine…
Goustan : Fumiers !… (Plus doucement après une pause.) Je peux en avoir un, de vos biscuits à la con ?


31:36
Scène 17 : Taverne
Arturus et Manilius sont aux prises avec les représentants du monde paysan.

Guethenoc : Non mais Sire, faut mettre le holà tout de suite, sinon c’est la famine.
Manilius : Il vient juste d’arriver !
Roparzh : Mais justement ! C’est maintenant qu’il faut se secouer les rognons ! Sinon, ça part tout à vau-l’eau !
Belt : Regardez-moi ce petit navet. À quelle heure on doit se lever, nous, le matin ? On nous en colle jusque-là ! Ras la gueule, ras la gueule, ras la gueule, eh ben un jour, qu’est-ce qui va se passer ? (Il lance son navet à travers la pièce.) Patatrac !
Guethenoc : Nous autres, on demande quoi ? La considération.
Roparzh à Guethenoc : Du pognon, on avait dit !
Guethenoc à Roparzh : Non mais attendez… Taisez-vous, taisez-vous. (À Arthur.) Si ! La considération.
Belt : Pardon, mais moi, je suis peut-être un peu inattentif parce que je dois subir de fortes pressions dues à ma condition, mais j’ai très bien entendu qu’on voulait du pognon !
Roparzh : Merci ! (À Arturus.) Venez pas nous prendre pour des Mongols !
Belt : Parce que la miche de pain, là ! Combien je la paye, moi, cette miche de pain ? Alors merde ! (Il lance la miche de pain.)
Manilius : On n’en a pas encore du pognon ! On vient juste d’arriver !
Guethenoc : Eh ben vous venez d’arriver dans un fameux merdier ! Des fourches dans le gras du cul ! C’est ça que vous allez ramasser comme cadeau de bienvenue !
Roparzh : Ce soir, je rentre à ma ferme : j’empoisonne toutes mes bêtes, même les petites, je fous le feu à mes récoltes et je tue ma femme !
Guethenoc ne comprenant pas : Pour quoi faire ?
Roparzh : Mais je sais pas.
Belt : Regardez-moi cette meule ? J’ai affiné cette saloperie de frometon pendant des mois et des mois ! Résultat : il est dégueulasse ! Pourquoi ? Parce que je suis nul en fromage ! Merde ! (Il jette la meule de fromage.)
Soudain, Perceval et Karadoc entrent.
Perceval : C’est nous !
Karadoc : Vous vous en êtes sortis tout seuls ?
Arturus : Ah ! Hé bah vous tombez bien, parce qu'il faut qu’on se casse, nous !
Manilius à Guethenoc : C’est des types du gouvernement. Ils vont s’occuper de vous.
Arturus : Voilà, et honnêtement, il n’y a pas mieux placé qu’eux.
Manilius : Ils nous feront un compte rendu.
Arturus : Voilà. (Il se lève.)
Guethenoc : Hého ! Qu’est-ce qui se passe ?
Roparzh : C’est quoi la tisane, là ?
Belt : Je me remets en rogne ou bien ?
Arturus et Manilius sortent.
Perceval à Karadoc : Vous voyez ? On est déjà indispensables !
Karadoc : Ouais, mais on va quand même commencer par commander à bouffer.
Perceval : Ouais.
Ils passent devant la table des paysans pour aller commander au comptoir.


33:33
Scène 18 : Tente de Léodagan
Hoël et Léodagan sont de part et d'autres de Goustan qui toussote, Calogrenant est au-dessus de lui et tient une boule de biscuits dans sa main.

Hoël : Ça va mieux ?
Calogrenant : Regardez-moi le morcif que vous aviez coincé dans le gosier…
Ketchatar : Ça s’est aggloméré en une sorte de brique…
Goustan à Hoël : J’ai failli crever à cause de votre pute de marraine…
Hoël : Et pourquoi aussi en mettre autant à la fois dans la bouche ? (Il réalise.) La peur de manquer...
Arturus et Manilius entrent, l'attention se reporte sur eux.
Arturus : Bonsoir…
Léodagan : Heu… Ouais… ? C’est à quel sujet ?
Arturus : Ben… C’est-à-dire que j’ai rendez-vous avec Léodagan de Carmélide. C’est pas vous ?
Léodagan : Tout dépend…
Manilius : Tout dépend de quoi ?
Arturus à Manilius, dégainant Excalibur : Sûrement de ça, non ?
Les Chefs de Clan sont ravis et poussent des cris de joie, tapant sur la table.
Arturus : Ah ben… Je suis flatté de votre accueil…
Loth : Non, faites pas attention… Le fait que vous ayez l’Épée, ça signifie qu’on n’est plus obligés de manger les biscuits de la marraine du Roi d’Armorique. Ce qui n’enlève rien à votre exploit !
Ketchatar : Allez, envoyez la bouffe !
Hoël écrasant un biscuit sur la table : Voilà ce que j’en fais, de ces biscuits de merde qui sentent la pisse !
Les Chefs de Clans crient à nouveau leur joie, se jetant les biscuits sur les uns et les autres.


34:42
Scène 19 : Taverne
Les paysans tentent de faire une partie de cartes avec Perceval et Karadoc.

Perceval : Non mais attendez… Je comprends pas ce que vous faites, là…
Guethenoc : Comment ça, ce que je fais ? J’ai rien dit !
Perceval : Ben justement ! Quand c’est à vous et qu’on vient de faire un passe-jarret, vous annoncez le tour suivant !
Guethenoc : Le tour suivant ? Je dis quoi ?
Perceval : Eh ben, vous annoncez le nombre de points que vous comptez faire sur quatorze tours.
Guethenoc : Mais qu’est-ce que j’en sais, moi ?
Perceval : Non mais c'est une estimation. Vous dites à la louche.
Guethenoc hésitant avant de poser une carte : Bon ben… six.
Perceval amusé : Six ? Ah ben mon vieux… !
Guethenoc : Quoi, ça fait trop ?
Perceval : Ah bah, c'est vous qui voyez, hein ! Mais annoncer six alors que votre voisin de droite vient de faire deux passe-jarrets d’un coup, il faut drôlement en avoir dans le slip !
Guethenoc essaie de reprendre sa carte, tous l'en empêchent.
Belt : Le voisin de droite, c’est moi ?
Perceval : Bah oui !
Belt : Je viens de faire deux passe-jarrets d’un coup, moi ?
Perceval : Ouais !
Belt : Alors, une question : c’est possible de faire deux passe-jarrets sans faire exprès ?
Karadoc : Bah évidemment, j’arrête pas d’en faire, moi, et je sais toujours pas à quoi ça sert.
Roparzh : Moi, j’en fais pas un, soi-disant ! Pour les autres, c’est passe-jarret par-ci, passe-jarret par-mi, et je te renvoie la politesse, et moi comme par hasard, pas un ! Il faudrait peut-être arrêter de se foutre de la gueule du monde !
Perceval : Mais vous, vous êtes le lance-bûches ! Qu’est-ce que vous foutez avec des cartes ?
Roparzh : Je suis quoi, moi ?
Perceval : Le lance-bûches ! Vous, vous distribuez et vous comptez les points ! Vous devez pas avoir des cartes !
Karadoc : Non mais c’est n’importe quoi, là…
Guethenoc : Et les points, vous les avez comptés, au moins ? Ou on joue depuis une heure pour des pruneaux ?
Roparzh : Vous pouvez pas vous les compter vous-même, vos points ? Il faut forcément qu’on vous tienne le zizi ?
Belt : La troisième annonce, c’est quoi, déjà ? Parce que je crois que j’ai ça, moi…
Perceval : Jarret-souple.
Belt : Ah non, alors, c’est pas ça.
Perceval : Qu'est-ce que vous avez, alors ? Un lance-jarret ?
Belt : J’en sais rien.
Perceval : Un jarret-sifflé ?
Belt : J’en sais rien.
Perceval : Un bi-jarret ?
Belt : J’en sais rien.
Perceval : Un mi-jarret ?
Belt : J’en sais rien.
Perceval : Un charret ?
 Belt : J’en sais rien.
Perceval : Un bjarret ?
Belt : J’en sais rien.
Perceval : Non mais, faites voir vos cartes…
Belt montre ses cartes à Perceval.
Perceval : Ah ouais, mais non... (Il lui rend ses cartes.) Là vous avez rien.
Belt lançant ses cartes à travers la pièce : Merde !


36:29
Scène 20 : Tente de Léodagan
Arturus discute avec les Chefs de Clan, tous mâchonnent de la viande séchée.

Léodagan : Je vous aurais bien présenté votre future, mais elle dort.
Goustan : Honnêtement, vu la gourde, ça peut largement attendre demain.
Léodagan : Père ! Vous pouvez pas la mettre au ralenti ?
Loth : Moi, pour la petite histoire, je suis votre beau-frère. Je dis ça pour préciser que pendant que certains bricolent des liens du sang à la dernière minute, il y en a d’autres qui sont naturellement légitimes.
Calogrenant : Oh lui, hé !
Léodagan : Il veut mon pied dans les noyaux, le beau-frère ?
Manilius : Vous êtes le frère de sa future femme ?
Loth : Non, je suis le mari de son actuelle demi-sœur.
Arturus : Ma demi-sœur ?
Loth : Oui. Je devrais pas trop la ramener avec ça d’ailleurs, parce qu’elle peut pas vous blairer.
Arturus : Ah bon ?
Loth : Ah, votre père a buté le sien, alors…
Calogrenant : C’est des vieux trucs, ça…
Hoël : Qu’est-ce qu’il a à ramener ça sur le tapis ?
Ketchatar : Vous foutez une ambiance de merde, c’est tout ce que vous faites, mon pauvre ami.
Loth : Pardonnez-moi… C’est peut-être à force de mâchonner des trucs séchés… Je sais pas si je préférais pas les biscuits de la marraine de l’autre con, finalement !
Hoël : L’autre con, il pourrait vous les mettre dans la gueule, les biscuits de sa marraine !
Calogrenant : Ah non ! Vous allez pas commencer !
Arturus : Ouais non, arrêtez, ça sert à rien.
Ketchatar : Hé ho ! Si on a envie de gueuler, on fait encore ce qu’on veut, non ?
Hoël : On marche pas au sifflet, nous !
Calogrenant : Mais fermez-la, nom de nom !
Loth : Tiens ! Écoutez le petit lèche-cul !
Calogrenant : Quoi ?
Loth : C’est pas une critique, mais normalement, c’est à moi de fayoter… Restez sur vos plates-bandes, mon vieux !
Léodagan à Arturus : Attention, on veut bien être gentils, mais il va pas falloir commencer à filer des ordres !
Arturus : Ben, si.
Léodagan : Quoi ?
Arturus : Les Dieux ont décidé que je serais Roi de Bretagne, ça veut dire qu'à un moment, il va falloir envisager de faire ce que je vous dis, oui. Tôt ou tard. À moins que vous ne teniez à vous mettre les Dieux à dos ?
Loth : Deus minimi placet. Seuls les Dieux décident.
Manilius amusé par le mauvais latin et s'apprêtant à corriger : Non mais…
Arturus lui donnant un coup de pied sous la table pour l’arrêter : On parle pas le latin. On a des notions, quoi…


Kaamelott

38:23
Scène 21 : Camp de Léodagan
Arturus est sorti prendre l'air. Au bout de quelques instants, Guenièvre vient le rejoindre.

Guenièvre timidement : C’est vous ?
Arturus : Oui… Enfin... Ça dépend, c’est vous qui ?
Guenièvre : C’est vous, le nouveau Roi de Bretagne ?
Arturus : Oui.
Guenièvre : Ah, d’accord…
Arturus : Et vous, vous êtes la fille de Léodagan.
Guenièvre : Oui. C’est avec vous que je dois me marier ?
Arturus : Tout à fait. Oui oui oui.
Guenièvre : Et... A priori, comme ça, à chaud… Je pourrais vous convenir ?
Arturus : Enfin, oui, c'est-à-dire, comme ça, à chaud… J'peux pas... Enfin, je veux dire, personne n’aime la nouveauté, quoi…
Guenièvre : Ah bon…
Arturus : Mais attention. Vous êtes tout à fait charmante, si ça peut répondre à votre question.
Silence. Goustan sort de la tente à son tour et les voit.
Goustan : Hé ! À l’origine, j’étais sorti pour lâcher une caisse, mais quand on vous voit comme ça dans le clair de lune, on a pas envie de bousiller le tableau ! Je vais aller loufer à l’intérieur pour emboucaner les autres fumiers… Profitez, profitez !
L'écran devient noir.
Goustan (voix off) : Le plus beau, dans les histoires d’amour, c’est le début !


FIN
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